Cette semaine, je réponds à une demande de la part de quelques lectrices quant au deuil. J’ai donc décidé d’aller voir dans le Petit Robert afin d’y lire la description qu’on en faisait.
Je vous informe, si vous ne le saviez pas, que nous pouvons «être» en deuil, «faire» un deuil, «mener» un deuil (cortège) et «porter» le deuil. Ce qui m’a aussi surprise, c’est de lire que l’antithèse du deuil était le bonheur!
Du côté de la langue anglaise, le deuil est un état de tristesse face à une perte. Il n’y a pas d’antonyme!
Personnellement, je veux bien croire que le bonheur n’a rien à voir à être en opposition avec le deuil. Je suis absolument convaincue que nous pouvons vivre un deuil, tout en ayant une dose assurée de bonheur. L’un n’exclut pas l’autre. Le deuil doit se vivre mais s’il devient dysfonctionnel, et vous empêche de vaquer à vous occuper de vous-même, c’est à ce moment que j’inviterais la personne à consulter une aide extérieure.
Chose certaine, je constate depuis de nombreuses années, que pour la majorité des humains, de vivre le deuil implique qu’il doive y avoir mort ou cessation de vie d’une personne et possiblement de nos animaux préférés.
Je suis souvent surprise de constater combien les humains ne se permettent pas, par peur, par croyance limitative ou par éducation tout simplement, d’admettre qu’ils vivent des deuils, de plus ou moins grande importance, possiblement à tous les jours.
Nombreuses sont les personnes qui m’ont consultée, et de réaliser qu’elles n’avaient jamais fait le deuil non seulement de la perte d’êtres chers, mais aussi bien de certaines relations, de certains événements, divorces, coupures d’amitiés, pertes d’emplois, perte de fortune, perte de leur maison ou je ne sais quoi d’autres… perte de leur jeunesse et de tous leurs rêves qu’elles avaient bien travaillé à enfouir afin de ne pas ressentir les émotions qui n’avaient jamais été élucidées, et encore moins libérées.
Regardons en premier lieu ces deuils d’êtres chers (et moins chers) que nous vivons tout au long de notre vie.
J’ai la croyance que si nous n’apprenons pas à les vivre sainement, c’est-à-dire dans tout l’accueil des émotions qui y sont inscrites, il ne serait pas surprenant que des deuils subséquents viennent s’accumuler et ainsi vous donner l’impression que la terre va s’écrouler, car ce sera le principe de la goutte qui fait déborder le vase. Ce dont on ne s’occupe pas dans le passé s’accumule vers le futur.
Je suis aussi convaincue que certaines pertes d’être chers, dépendamment de l’âge à laquelle nous les vivons, peuvent se libérer en pelures d’oignons comme je le dis souvent dans mon bureau. Sinnous refoulons ces émotions lors de l’événement, parce que cette perte s’avère trop pénible au moment de son déploiement, nous serons alors enclins à être déclenchés au moment ou l’on s’en attend le moins. Parce qu’il est certain d’une chose pour moi, c’est que nous avons pour mission de nous occuper de nos émotions et que si nous ne savons ou ne voulons pas le faire, la vie fera en sorte de faire signe.
Comme dit Jean Philippe Brébion: ‘La biologie (ou les événements de notre vie) tente de mettre en conscience ce que l’on ne sait pas faire autrement.’
Je me souviens d’avoir été tellement dans l’incompréhension de certains événements dans ma jeunesse, qu’il m’a fallu d’autres moments de ma vie afin de bien mettre en conscience ce que je ne savais pas ou, n’avais pu ou, ne voulais pas m’occuper auparavant. Personne n’y échappe.
Lorsque je parle de toute la gamme d’émotions qui entourent ces pertes, il faut bien accueillir que chaque perte ou deuil ne déclenche pas uniquement de la tristesse, comme le dit le dictionnaire. C’est là que les choses se corsent.
Tant et aussi longtemps que nous n’accueillerons pas qu’il est fort possible de se sentir abandonné, en colère, déçu, triste, apeuré, ayant un sentiment de vide, faisant face à une injustice, voire une rébellion contre votre Dieu, si vous en avez un, tout autant que d’avoir une portion de joie parce qu’un être cher cesse enfin de souffrir, nous risquons de nous retrouver à accumuler, à ne pas conscientiser cette palette émotionnelle jusqu’au prochain événement déclencheur.
Et si par contre, vous faites partie de ceux et celles qui n’ont pas droit de pleurer ou de vivre vos émotions, préparez-vous à une tonne de médicaments, car il vous restera qu’à les geler afin de ne pas les ressentir. Le tour sera joué… mais pas indéfiniment. La nature finit toujours par se faire entendre, quelle que soit la fuite que l’on croyait sécuritaire.
En terminant, je vous propose de vous asseoir bien calme dans votre coin préféré et d’écrire une liste de ce dont vous avez pu ne pas faire le deuil dans le passé. Cette liste peut aussi comporter des deuils inachevés. Nous en avons probablement tous car pour le cerveau émotionnel, la perte significative de quelqu’un ou de quelque chose est toujours vue comme une menace à la sécurité.
Si les larmes montent ou la colère s’annonce en pensant à certains moments du passé, alors vous êtes sur la bonne piste. Je vous invite à communiquer vos émotions à cette personne décédée si tel est le cas, et qu’il s’agisse d’un événement ou d’une personne, de lui faire vos adieux parce que vous ne revivrez plus jamais ce rêve dont vous vous étiez fait tout un scénario. Si vous ne ressentez rien de particulier, alors donnez-vous la consigne d’être à l’écoute si votre conscience vous fait des signes de vous occuper d’une mémoire qui remonte.
Sur ce, je vous invite à me partager vos commentaires ou vos trouvailles.
Et si vous aviez à nommer un antonyme au mot ‘deuil’, quel serait-il?
Je vous souhaite d’heureux moments, même dans le deuil que vous choisirez de faire quant à vos moments intimes du passé.
Chaleureusement vôtre
Pauline Houle
Thérapeute et Auteure, Montréal, Québec
Photo : Walls bearing names of missing soldiers in Fort Bonifacio; Manila; Philippines, source